Éduquer au psycho-social

Source : Donner toute sa chance à l'école... Treize transformations nécessaires et possibles.

Éditions : Chronique Sociale

L'école : une réussite pour tous ?

«... La question s'impose : la réussite scolaire telle que nous la valorisons ne va-t-elle pas en sens contraire de la réussite humaine?

En France, mais pas seulement, l'idée dominante est que l'école est un lieu de réussite intellectuelle et très secondairement un lieu «d'apprentissage de la vie». Comme en économie, l'idée de rendement l'emporte lourdement sur l'idée de développement. Or cet apprentissage, bon pour l'école, l'est tout au long de la vie. Essentiels à la réussite humaine (qui englobe la réussite scolaire mais ne s'y réduit pas), la connaissance de soi et la relation à autrui, l'autoresponsabilité, les capacités d'empathie, d'esprit critique et autocritique, d'humour, de dialogue, de coopération, l'affirmation de soi sans domination ni soumission, le sens de corresponsabilité propre à l'esprit démocratique ne sont pas au programme de l'école. Des pratiques individuelles ou d'équipes pédagogiques oeuvrent dans ce sens, mais souvent s'éteignent faute de relais officiels.

L'éducation psycho-sociale

Pourtant de nombreux savoirs et des pratiques éprouvées, issus des sciences humaines et de la culture psychothérapeutique, attendent d'être reconnus et généralisés. Les négliger coûte cher aux personnes et à la société. Les questions de la famille, de l'école, de la société, de l'action politique, et celle de l'évolution de l'humanité sont liées. Aussi est-il urgent de repenser la réussite scolaire et sociale à l'aune de la réussite humaine. Celle-ci se mesure autant par le «quotient émotionnel et relationnel» que par le «quotient intellectuel» et implique les savoir-être et les savoir-faire novateurs que le terme «éducation psycho-sociale» recouvre.

Sans être la panacée qui ferait oublier la complexité des problèmes, «la formation humanisante» qu'elle permet serait pourtant un puissant antidote à notre tendance à projeter notre responabilité sur des boucs émissaires, aux fanatismes religieux ou idéologiques, xénophobes et racistes... Et, plus simplement, aux «blessures relationnelles ordinaires» liées au milieu familial et social, qui peuvent trouver à s'exacerber à l'école comme au travail, et virer vers la violence ou la dépression.

La carence de la dimension psycho-sociale dans la formation des enseignants (dont le souci pédagogique et la qualité d'implication ne sont pas en cause), explique pour partie leur mal-être face à la difficulté de répondre à la démocratisation massive de l'école. Celle-ci continue, globalement, de fonctionner selon les critères et les valeurs d'un système où seuls cinq à dix pour cent des élèves accédaient au Lycée. L'étude des motivations, la psychologie du maître et de l'élève, la gestion du groupe classe, la médiation des conflits sont quasi absentes de la formation des professeurs. Beaucoup en ont conscience, se forment, en tirent profit et les expériences fleurissent. L'institution, interpellée par le mal-être criant des enseignants comme des élèves, initie des réformes allant dans ce sens mais n'en tire pas fondamentalement parti, et surtout ne remet pas en question philosophiquement et pratiquement le sens qu'elle donne, comme toute la société, à la réussite. Ce qui fait que l'école, malgré beaucoup d'instructions officielles ou d'actions biens intentionnées, demeure un lieu de concurrence hypertrophiée où le chacun pour soi prime, et non un lieu où les capacités d'autonomie et de coopération se fertilisent mutuellement.

Répétons-le, les voies et les outils existent. L'école, démocratisée pour le meilleur au risque du pire, l'exige plus que jamais. Aller dans ce sens ferait perdre à la violence beaucoup de ses racines. L'autorité des enseignants et l'autonomie des élèves, le désir d'apprendre et la joie d'enseigner y trouveraient leur meilleur terreau. Fondement incontournable d'un nouvel humanisme, l'éducation psycho-sociale constitue un paradigme autour duquel l'école comme la société peuvent se repenser. Tout ne s'y réduit pas, mais notre avenir pour beaucoup en dépend.»

Armen Tarpinian

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